Les Chroniques de San Francisco : aventures

Pas d'armistice pour Armistead par André Clavel
L'Express 11-01-2001

Depuis le début des années 70, le fièrement gay Armistead Maupin décoche ses banderilles à l'Amérique bien-pensante.
La génération pacsée a désormais son mentor: Armistead Maupin, 56 ans, gay et fier de l'être.

Aux Etats-Unis, c'est une vraie star, depuis que ses Chroniques de San Francisco l'ont propulsé sur le devant de la scène, sous les ovations de plus en plus nourries de tout ce que le pays compte d'homos chocs et de lesbiennes chics. Tous rassemblés derrière ce fringant matamore qui, à l'orée des années 70, osa décocher ses banderilles contre la bien-pensance de l'Amérique puritaine.

Son parcours? Des débuts assez peu glorieux, dans le giron doré d'une famille ultraconservatrice de Caroline du Nord: grand-père général, père avocat, le jeune homme doit cacher sa différence sous le boisseau des bonnes manières. «Je n'avais même pas l'idée que l'homosexualité puisse exister, se souvient-il. Jusqu'à 25 ans, j'étais vierge de toute affection, de toute sexualité.»



Cinq articles par semaine

A cette époque, Armistead Maupin rentrait du Vietnam. Et fut décoré par Nixon avant de troquer son uniforme de marine contre les falbalas psychédéliques de la décennie peace and love. A 27 ans, en 1971, il débarque à San Francisco, métropole permissive où ses vieux tabous auront tôt fait de s'envoler, comme une fumée de haschisch. Une gazette locale, le San Francisco Chronicle, lui propose, en 1976, de signer dans ses colonnes de courts billets sur les mœurs très particulières de la ville. Il se prend au jeu. Observe, saisit la vie à chaud. Pond jusqu'à cinq articles par semaine. Le courrier des lecteurs est assailli de lettres dithyrambiques, et Maupin, lui, appartient déjà à la légende: regroupés dans les Chroniques de San Francisco - six volumes traduits en France aux éditions Passage du Marais - ses croustillants feuilletons feront le tour du monde.

Au programme, les amours pas toujours conformes d'une faune un tantinet dissolue, et réunie au 28 Barbary Lane, dans la pension de la désormais célébrissime Mrs Madrigal. Une sorte d'Esméralda des années marijuana, qui veille sur une petite tribu de dragueuses et de bellâtres, de chats errants et de gais gays. En toile de fond, on entend battre le cœur de San Francisco, Sodome californienne où flottent les oriflammes de la libération sexuelle tandis que, à l'horizon, dansent d'affreux fantômes. Le sida viendra soudain brouiller les cartes, et Maupin sera l'un des premiers à en peindre les ravages.

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